Laurent de Wilde est compositeur, pianiste et écrivain. Ses disques ont rencontré succès public et critique, depuis Off the boat en 1987. À partir des années 2000, il mène de front des projets de plus en plus variés : la poursuite de son trio jazz (Over the Clouds, album de l’année pour Jazz Magazine, Télérama, TSF jazz), la musique électronique (Fly, Fly Superfly!), la collaboration en profondeur avec des artistes tels que Jacques Gamblin et Abd Al Malik (Prix Constantin, Victoires de la musique) ou l’exploration du petit écran avec deux documentaires pour Arte sur Thelonious Monk et Charles Mingus. Il enregistre Riddles un album à deux pianos avec la légende de l’Afrique Ray Lema, publié en octobre 2016. Le duo se produit régulièrement sur les scènes françaises et européennes. Sa biographie du pianiste et compositeur Thelonious Monk (Monk, Gallimard) a marqué les esprits en 1996, et Les fous du son. D’Edison à nos jours (Grasset) décrit la saga des inventeurs de claviers au XXème siècle. Ses collaborations sont multiples. Pour le centenaire de la naissance de Monk, il publie en 2017 l’album New Monk Trio avec le contrebassiste Jérôme Regard et le batteur Donald Kontomanou, qui reçoit le Prix du disque français de l’Académie du jazz. En 2018, il est élu artiste de l’année aux Victoires du jazz.
Crédit photo Sylvain Gripoix
Qui a pu être assez fou pour avoir eu, un jour, l'idée de faire de la musique avec de l'électricité ? Et comment est-ce possible d'ailleurs ? Qui se cache derrière ces instruments loufoques, ancêtres des pianos numériques actuels, ces immenses orgues criblés de fils électriques ou ces claviers surréalistes aux notes futuristes, dont les noms insensés - télégraphe harmonique, théâtrophone, Telharmonium, Audion Piano, Ondes Musicales, Orgue B3, Clavivox ou Polymoog - disent déjà la folie ? Des amoureux du son, très certainement, mais surtout d'immenses inventeurs. Ils s'appellent Edison, Cahill, Martenot, Mathews, Moog ou encore Zinovieff et Kakehashi, ils sont américains, anglais, français, russes ou japonais, et ils ont en commun un esprit insatiablement curieux et créatif, un amour des circuits électriques et des notes harmoniques, et une vision révolutionnaire de la musique. Successivement, ensemble et parfois en s'opposant, ils vont changer le visage du son en nous faisant passer, en près d'un siècle et demi, du piano acoustique aux bijoux technologiques d'aujourd'hui.
Le temps qu’inaugure la musique, hors du temps biologique courant, se fonde pour le jazz sur la section rythmique. Le bassiste et le batteur vont en effet ouvrir un espace en commençant à jouer, ils font avancer l’ensemble, et le défi qui se pose alors est de faire tenir cette construction temporelle et musicale de manière harmonieuse, et efficace aussi. Cela donne l’idée de la complexité esthétique en jeu !
Parmi les génies que compte la musique négro-américaine, Thelonious Sphere Monk est certainement le plus étrange, le plus singulier. Il se dresse dans le paysage du jazz comme un mégalithe énigmatique. L'homme et la musique sont ici clos sur eux-mêmes. Il faut, pour pénétrer cet univers si particulier, avoir la sensibilité de l'artiste et la rigueur de l'analyste. C'est ce qu'a réussi Laurent de Wilde. Seul un musicien doublé d'un écrivain pouvait, de la façon la plus vivante, nous décrire un univers de psychopathe protégé, tout autant qu'analyser tel thème, tel solo, telle conclusion paradoxale. En connaisseur du terrain, il nous fait visiter les lieux, dévoile des passages secrets et nous remet la clef, une fois qu'on est entré.