Sylvain Dal est psychiatre, chef de service et maître de stage à la Clinique Saint-Jean à Bruxelles ; il est également responsable de l’hôpital de jour à l’hôpital Saint-Jean de Dieu à Leuze-en-Hainaut, en Belgique. Ses formations, outre le plat pays, l’ont amené brièvement à Montréal, aux Pays-Bas, et plus récemment à Lille. Ses centres d’intérêt sont multiples : la phénoménologie, la paranoïa, le développement de la psychogériatrie et l’analyse des institutions. Il défend l’intérêt d’une psychiatrie généraliste, dont l’axe principal serait la dimension psychothérapeutique. Sylvain Dal est vice-président du Centre et Ecole Belge de Daseinsanalyse et éditeur en chef pour l’International Federation of Daseinsanalysis. Il enseigne aux assistants psychiatre de l’Université Catholique de Louvain dans le cadre d’une introduction à la phénoménologie et aux dimensions existentielles en thérapie. Il est par ailleurs fortement investi dans d’autres domaines :la musique et en particulier l’improvisation libre, des recherches audio-visuelles, et la programmation de microcontrôleurs.
La compréhension classique du délire paranoïaque, qu’on peut résumer en un « ensemble de conclusions logiques, organisées en système, mais basées sur des prémisses fausses », si elle circonscrit bien un phénomène fréquent, ne permet pas de saisir ce qui amène à prendre pour vrai ce qui est manifestement faux à la base, ni la grande stabilité et insistance de cette modalité chez certaines personnes. Au-delà des processus psychologiques de projection et d’interprétation, nous pensons que le délire s’enracine dans une appréhension bien particulière de la réalité, une façon systématiquement tronquée de construire ce qui est dès lors pris pour « la » vérité, à partir de fragments perceptifs, en annulant la marge de doute et le jeu des variations eidétiques. On pourrait trouver là une ligne de démarcation entre les constructions fondamentalement différentes de la réalité : celle dite normale et une autre, paranoïaque. La question devient d’autant plus passionnante, qu’un phénomène relativement neuf, surtout par son ampleur et sa banalisation, celui du complotisme alimenté par les réseaux sociaux, vient lui aussi questionner comment se forment les opinions et convictions, et pourrait donc -sans relever de la psychiatrie- fournir une occasion d’éclairer la genèse du délire paranoïaque.
Les soins de santé ont longtemps été prodigués à l’hôpital ou en consultation, mais depuis environ dix ans, un mouvement croissant tend à ce que ceux-ci soient dispensés au domicile. Ce changement remet en lumière l’importance du cadre de vie du patient. La pratique des soins à domicile par une équipe pluridisciplinaire amène ainsi à saisir des relations fortes entre santé mentale et l’environnement domestique. Cela inclut la disposition de l’espace, les objets qui le peuplent, les ambiances, les sensations comme les bruits et les odeurs, l’histoire des lieux, ainsi que les réactions que ces éléments suscitent chez le soignant. La relation entre santé mentale et domicile est bidirectionnelle : la maison peut refléter les signes d’une psychopathologie, tout comme elle peut influencer le psychisme de manière positive ou négative. L’objectif de cette attention n’est pas de transformer l’observation du domicile en outil de diagnostic, mais de mettre en évidence les interactions profondes entre l’individu et son environnement, soulignant ainsi l’importance de cet "être-au-monde" dans le processus de soin, mais aussi de façon plus large pour tout un chacun.