Harry Bernas est physicien, spécialiste en nanosciences et matériaux irradiés. Il a dirigé le Centre de sciences nucléaires et de sciences de la matière (CNRS-Université Paris-Saclay). Il s’intéresse aux rapports sciences-technologie-société. À propos de l’histoire du nucléaire, il a publié “ L’Île au bonheur ” (Le Pommier, 2022) et, sur le sujet de cette conférence, “ Les merveilleux nuages ” (Seuil, 2023).
Le Bronx, 1945. Par une moite après-midi d’août, un gamin dont la famille a fui le nazisme écoute la radio. Surgit la voix du président Truman : une seule bombe, « atomique », a rasé Hiroshima. « Le plus grand succès de la science organisée de toute l’histoire. » De cet événement, le petit garçon retiendra notamment la photo d’une absence ?: un homme retiré de son ombre par la déflagration. Adulte, le gamin deviendra physicien : ancien directeur de laboratoire au CNRS, Harry Bernas est aujourd’hui un scientifique reconnu dans le domaine des nanosciences, et son histoire n’a cessé de croiser celle de la science nucléaire. Jusqu’à Fukushima. Fruit d’un programme nucléaire ayant occulté les risques d’un tsunami pourtant documentés, le drame de 2011 a agi comme un révélateur de la cécité volontaire des hommes sur les conséquences de leurs choix techniques et sociaux. Dans ce captivant récit qui entremêle souvenirs personnels et réflexions scientifiques, Harry Bernas tente de comprendre d’où vient cet aveuglement délibéré. Lucidement, mais sans aucun fatalisme, il met au jour comment, du projet Manhattan aux réacteurs GEN-IV en passant par la politique « Atomes pour la paix » d’Eisenhower, on en est venu à modifier insensiblement la finalité même de la science, dont l’objet ne consiste plus à connaître le monde, mais à la rendre perméable au pouvoir. Ou comment Newton et Einstein ont été supplantés par Jeff Bezos et Elon Musk.
C’est d’abord la structure sociale et économique qui détermine la manière d’utiliser l’énergie. Or les sociétés changeront profondément dans les trois décennies à venir sous la contrainte des changements du climat et du vivant. Le projet annoncé de “nouveau nucléaire” en France contribuerait-il à une adaptation soutenable de la société à ces transformations, d’ici 2050 ? Ce devra être le sujet d’un débat public, informé et démocratique. On propose un bref examen de l’histoire et de la faisabilité industrielle, économique et sociale du nucléaire face aux urgences imposées par les changements planétaires.